La construction de la crédibilité sociale inutile

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Si les réseaux sociaux ont à ce point porté cette tendance à son paroxysme c’est bien qu’il y avait déjà avant leur avènement un terreau favorable à cette exemplification.

Aujourd’hui nous prenons en effet les personnes à partir de leurs «faces », c’est-à-dire à partir de ce qu’elles disent d’elles-mêmes comme garantie de la vérité de ce qu’elles disent. Dans les sociétés anciennes et orales en effet la réputation de quelqu’un faisait l’essentiel de sa force, de sa valeur et de sa richesse.

Pour Erving Goffman l’un des fondateurs de l’interactionnisme symbolique en effet la face est «la valeur sociale positive qu’une personne revendique à travers la ligne d’action que les autres supposent qu’elle a adoptée au cours d’un contact particulier ». Goffman envisage la vie sociale sous la forme d’une scène constituée d’acteurs, de publics et de coulisses. Au-delà de l’objectif qu’il se fixe de fonder la manière dont l’usage pratique du langage permet aux humains de créer du sens commun et de produire des symboles dans cette scène, il faut comprendre cette théorie comme une référence théorique substantielle de la lecture des interactions sociales de manière à expliquer la gourmandise média communicationnelle des titres de gloire plus ou moins factices qui composent la crédibilité reputationnelle et de leurs usagers réguliers.

De manière générale cet usage participe à la fois des stratégies individuelles de production de la crédibilité sociale à partir de la volonté d’influence réciproque des acteurs en situation d’interaction, d’une part; et de l’ingénierie de la production institutionnelle de l’influence par la projection d’un soi-médiatique socialement légitime, d’autre part.

Réputation personnelle et réputation sociale entrent donc en interaction dans un jeu dont chacune tente de tirer le maximum de l’autre y compris par l’exploitation maximale réaliste, c’est-à-dire dépouillée de toute contrainte éthique et morale.

Ce que l’interactionnisme symbolique aura insuffisamment documenté et qui s’élabore bien au-delà du théâtre social qu’est la vie est précisément que ce théâtre produit en retour des schèmes de pensée, noyau central du prêt à penser, qui ôtent toute capacité de critique aux personnes en leur apportant un prêt à penser comme emballages rhétoriques séduisants des mensonges, contrevérités et demi-vérités qui construisent désormais l’imposture de l’identité sociale des individus.

Les Professeurs, Docteurs et autres Experts plus ou moins autoproclamés qui prennent plaisir à l’assaut quotidien des médias ont oublié que ceux-ci ne prolongent pas leur statut intellectuel mais bien au contraire ils figent leur parole dans un topos qui par sa nature publique portent les conditions de la dévaluation de la parole experte par le simple fait qu’on ne convaincra jamais tout le monde, d’une part; et d’autre part que la techno-structure médiatique disqualifiant irrémédiablement la parole savante, ces experts sont obligés de puiser eux-mêmes dans le registre lexical du commun et le recours à une rhétorique banale et répétitive sous le prétexte qu’ils participent à l’éducation sociale dans la perspective d’une science ouverte qui cherche encore sa voie.

Heureusement pour eux car ils pêchent, et la société avec, de se pencher sérieusement sur les conditions et les procédures sous lesquelles les personnes confirment ou perdent leur crédibilité. Or l’exposition excessive aux médias sous le couvert d’une science brumeuse accroît au moins le sentiment de saturation et les «bruits » que produit celle-ci.

Bon courage cependant à eux. »

Sénateur Professeur Laurent Charles Boyomo Assala, Coordonnateur de la Sous-commission Communication du Comité Central RDPC


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