Du 30 juin au 7 juillet 2025, la ville de Bafoussam accueille la 39ème édition de la Journée Mondiale de l’Habitat. Placée sous la houlette du Ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (Minhdu), cette édition promet une semaine d’activités, de défilés, de discours et de symboles. Mais à l’heure où les villes africaines sont appelées à se transformer en espaces durables, inclusifs et modernes, peut-on vraiment se contenter d’un programme festif?
La Journée Mondiale de l’Habitat, instaurée par l’ONU, vise à rappeler la responsabilité collective de garantir un habitat adéquat à tous. Il ne s’agit pas simplement de construire des logements, mais de penser la ville comme un espace de dignité, de sécurité, de connectivité et de développement. Les Nations Unies appellent les États à adopter des politiques intégrées, participatives et orientées vers le long terme. L’habitat, dans cette vision, est le socle de la justice sociale.
Or, cette dimension critique et stratégique semble largement absente de l’approche camerounaise. Chaque année, la célébration devient une vitrine politique, un déploiement de banderoles, de tenues uniformisées et d’activités folkloriques, déconnectées des réalités urgentes du terrain : bidonvilisation accélérée, constructions anarchiques, manque de planification urbaine, services de base défaillants.
Bafoussam, ville hôte, offre elle-même le reflet des contradictions de la politique de l’habitat au Cameroun. Malgré les annonces de « modernisation » depuis plus d’une décennie, les quartiers périphériques continuent de croître sans infrastructures. Les routes sont impraticables à la première pluie, l’accès à l’eau potable reste inégal, et les constructions prolifèrent sans normes ni cohérence urbanistique.
Plutôt que de servir de laboratoire d’idées, la Journée Mondiale de l’Habitat devient un rituel bureaucratique, un moment de visibilité ministérielle, sans réelle implication des collectivités locales, des architectes, des urbanistes ou des populations concernées. Où sont les « villes témoins » promises? Où est la planification? Où est la pédagogie populaire?
Pourtant, ailleurs en Afrique subsaharienne, certaines villes amorcent une transformation réelle. À Kigali (Rwanda), les politiques de logement social et l’aménagement urbain intégré ont permis une réduction sensible de l’habitat insalubre. À Addis-Abeba (Éthiopie), le gouvernement a misé sur des programmes d’habitat à grande échelle tout en développant un système de transport public cohérent. Même à Ouagadougou ou Dakar, des expérimentations participatives commencent à structurer des zones d’habitat selon des schémas directeurs clairs.
Ces villes ont compris que l’habitat n’est pas un luxe ni un événement annuel, mais une infrastructure sociale, économique et culturelle. Elles investissent dans la gouvernance locale, dans la formation des citoyens et dans la transparence. Loin des paillettes ministérielles, elles construisent des modèles.
Le Cameroun a besoin d’un changement de paradigme. Il ne suffit plus d’organiser des semaines festives autour de l’habitat ; il faut construire une politique urbaine cohérente, ambitieuse, ancrée localement. Il faut cesser de considérer les villes comme des territoires d’influence politique, mais comme des écosystèmes vivants nécessitant vision, rigueur et engagement citoyen.
La Journée Mondiale de l’Habitat devrait être l’occasion d’impliquer les conseils municipaux, les quartiers, les jeunes architectes, les chercheurs, les ONG urbaines. Elle devrait susciter des diagnostics de terrain, des ateliers de co-construction, des plans pilotes.
À défaut, elle ne sera qu’un miroir aux alouettes : une danse rituelle qui masque l’urgence silencieuse de nos villes en crise.
Auréole TCHOUMI
Spécialiste en Communication Publique
Journaliste engagé pour une ville humaine, durable et équitable.