Présenté devant les députés, le nouveau dispositif d’encouragement à l’investissement marque une tentative claire du gouvernement de corriger les limites d’un cadre juridique en vigueur depuis plus d’une décennie. En exposant les motifs de cette refonte, le ministre de l’Économie a reconnu que le système instauré en 2013 n’a pas généré les effets attendus, malgré un volume important d’engagements contractuels. Les chiffres avancés montrent un contraste prononcé entre les ambitions initiales et les résultats concrets en matière de création d’emplois et de mobilisation effective du capital privé.
Si l’exécutif justifie cette révision par la nécessité de moderniser le cadre d’action publique, les circonstances montrent que la dynamique ne provient pas uniquement d’une volonté nationale. Le Fonds monétaire international a conditionné la poursuite de son appui financier à l’actualisation du régime d’incitations. Cette exigence s’inscrit dans une tendance globale de rationalisation des dépenses fiscales dans les pays en développement, où les exonérations sont souvent jugées trop généreuses et peu efficaces.
Ainsi, la réforme porte la marque d’un compromis : répondre à une contrainte extérieure tout en préservant les marges de manœuvre nécessaires à la stratégie d’émergence. Ce double impératif interroge cependant l’indépendance des choix économiques du pays et la capacité du gouvernement à anticiper plutôt qu’à subir les révisions structurelles.

Depuis son adoption, la loi de 2013 a été régulièrement accusée d’être peu sélective. Le champ d’éligibilité très large et des critères d’admission peu exigeants ont entraîné une dispersion des avantages fiscaux au profit de projets parfois secondaires pour la transformation économique. Plusieurs organisations professionnelles dénonçaient déjà un système qui creusait les pertes de recettes publiques sans générer d’équilibre réel entre les bénéfices accordés et les retombées économiques.
Les institutions internationales sont arrivées au même diagnostic : les avantages fiscaux accordés coûtaient davantage qu’ils ne contribuaient à la croissance ou à l’industrialisation. L’écart entre les annonces d’investissements et les réalisations concrètes illustre une autre fragilité majeure : l’absence de mécanismes robustes de suivi et de vérification.
Face à ces lacunes, la réforme propose un ensemble de mesures censées réorienter l’action publique. Un cadre unique encadrant toutes les incitations est instauré, accompagné d’un filtrage plus strict des bénéficiaires. L’introduction de zones stratégiques de développement vise à concentrer les efforts sur des secteurs jugés prioritaires pour la transformation structurelle du pays.
Le passage du régime d’exonérations à un modèle de crédits d’impôt constitue l’un des changements les plus importants. Il s’agit de limiter les pertes fiscales et d’assurer que les avantages consentis répondent réellement à la performance des entreprises. L’ouverture du système aux entreprises publiques traduit également la volonté d’instaurer une concurrence plus équitable entre acteurs économiques.
La mise en place d’un guichet unique et d’un organe chargé des contrôles et arbitrages reflète une prise de conscience : sans gouvernance renforcée, même la meilleure architecture légale risque de reproduire les mêmes insuffisances que le dispositif précédent.
Bien que la réforme apporte des innovations significatives, plusieurs zones d’ombre subsistent. La réussite de ce nouveau modèle dépendra largement de la capacité administrative à coordonner les acteurs concernés, à disposer d’outils de suivi performants et à résister aux pressions politiques ou corporatistes.
Le Cameroun cherche à passer d’une logique d’exonération généralisée à une politique d’incitation mieux calibrée, alignée sur ses objectifs de diversification et d’industrialisation. Mais sans une exécution rigoureuse, une transparence effective et un pilotage cohérent, le risque est réel de retomber dans les travers qui ont paralysé le dispositif précédent : promesses ambitieuses, faibles réalisations, et dépenses fiscales difficilement maîtrisées.
La réforme des incitations à l’investissement apparaît comme une étape importante, mais insuffisante en elle-même. Elle pose les bases d’un cadre plus sélectif et mieux orienté, mais son efficacité reposera sur des engagements institutionnels soutenus dans la durée. Les intentions affichées sont fortes ; les résultats dépendront désormais de la capacité de l’État à dépasser les blocages habituels et à transformer cette refonte juridique en moteur réel de transformation économique.
Auréole TCHOUMI