Barrage de Minkouma : vitrine énergétique ou nouvelle dépendance étrangère ?

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Le 12 septembre dernier, le futur barrage hydroélectrique de Minkouma a reçu une attention particulière : une délégation canadienne composée de représentants de l’ambassade du Canada et d’Investissement Québec est venue s’informer de l’état d’avancement du projet. Derrière les formules diplomatiques et l’enthousiasme affiché, une question s’impose : ce chantier de plus de 584 milliards de FCFA sera-t-il un levier de souveraineté énergétique ou une nouvelle illustration de la dépendance du Cameroun vis-à-vis des capitaux et expertises extérieurs ?

Avec une puissance annoncée de 240 à 300 MW, assortie d’un volet solaire pouvant atteindre 300 MW, le projet se présente comme un futur pilier du système électrique national. En théorie, il s’inscrirait dans une stratégie cohérente : faire de la Sanaga l’axe vital de l’hydroélectricité au Cameroun, aux côtés des ouvrages d’Edéa, Songloulou, Nachtigal et Kikot.

Mais la multiplication de projets hydroélectriques, souvent annoncés dans un flou budgétaire et temporel, interroge. Les retards et surcoûts enregistrés dans d’autres chantiers du secteur montrent que les ambitions chiffrées ne garantissent pas la réalisation effective.

La présence canadienne illustre un fait simple : sans investisseurs et bailleurs étrangers, le barrage de Minkouma n’aura pas de socle financier solide. Certes, les partenariats internationaux permettent d’apporter des compétences techniques et des fonds difficiles à mobiliser localement. Mais ils posent aussi la question de la dépendance : qui contrôlera réellement les choix stratégiques, les coûts de production et les retombées économiques du projet ?

Lorsque l’essentiel des financements, de la construction et de l’assistance technique vient de l’extérieur, le risque est grand de voir la rente énergétique future captée par d’autres, au détriment de l’État et des consommateurs camerounais.

Le projet prévoit des études environnementales et sociales, mais l’expérience passée incite à la vigilance. Les barrages sur la Sanaga ont déjà entraîné des déplacements de populations, des pertes de terres agricoles et des bouleversements écologiques majeurs. À Minkouma, peu de garanties concrètes sont données sur la manière dont les riverains seront indemnisés, ni sur l’intégration des impacts climatiques dans la conception de l’ouvrage.

En affichant la perspective d’un bouclage financier d’ici 2026, le gouvernement donne une image de maîtrise. Mais la réalité pourrait être bien différente : retards de mobilisation des fonds, négociations opaques sur les contrats, risques de corruption et incertitudes sur la viabilité économique d’un projet aussi coûteux.

Le barrage de Minkouma pourrait devenir un symbole de modernité énergétique et d’intégration solaire-hydroélectrique. Mais il pourrait tout autant se transformer en éléphant blanc, engloutissant des milliards empruntés, sans résoudre durablement les pénuries d’électricité qui freinent l’industrie et pèsent sur les ménages.

Au final, derrière les chiffres mirobolants et l’intérêt canadien, une vérité persiste : tant que le Cameroun n’affirmera pas une gouvernance solide et transparente de son secteur énergétique, ses grands barrages risquent d’être plus des vitrines diplomatiques que des outils réels de développement national.

Auréole TCHOUMI


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