Le 11 septembre 2025, la présidence a donné son feu vert à la signature d’un accord de financement avec l’Association internationale de développement, branche de la Banque mondiale spécialisée dans l’appui aux pays les plus fragiles. Montant en jeu : près de 185 millions d’euros, soit plus de 120 milliards de FCFA. Cet argent doit alimenter un nouveau programme urbain baptisé « Projet villes et gestion foncière durables » (PVGFD).
Ce dispositif prend le relais d’un projet similaire, arrivé à échéance en août. Mais cette fois, l’ambition est plus large : moderniser les infrastructures de Douala et Yaoundé, tout en améliorant la gouvernance foncière, un terrain miné où se croisent spéculation, lenteurs administratives et conflits récurrents.
Le PVGFD promet un lot d’investissements visibles : nouvelles routes, réhabilitation de voiries, construction de drains pour limiter les inondations chroniques, sans oublier un programme pilote de modernisation urbaine. À Douala comme à Yaoundé, les habitants attendent avec impatience des résultats concrets, tant les deux métropoles souffrent de congestion, de dégradations accélérées des infrastructures et de quartiers informels qui continuent de se multiplier.
Mais au-delà du béton et de l’asphalte, le projet s’attaque à une question plus sensible : la gestion des terres. En prévoyant la mise en place d’un système d’information numérique, la digitalisation des archives cadastrales et même la construction d’un centre moderne pour centraliser les données, le gouvernement veut rompre avec les pratiques opaques qui alimentent insécurité foncière et spéculation. C’est là que réside peut-être l’enjeu le plus politique du programme.
Reste à savoir si ces annonces se traduiront réellement dans les faits. L’expérience des projets antérieurs invite à la prudence : délais non respectés, chantiers inachevés, surcoûts et qualité médiocre des ouvrages sont autant de critiques souvent adressées aux initiatives financées par des bailleurs. Le PDVIR, prédécesseur du PVGFD, a certes permis quelques avancées, mais il a laissé un goût d’inachevé, avec des impacts jugés limités face à l’ampleur des besoins.
Par ailleurs, la capacité des institutions locales à gérer des outils numériques sophistiqués pour le foncier reste à démontrer. Les obstacles sont connus : manque de ressources humaines qualifiées, résistances bureaucratiques et inertie dans la coordination interinstitutionnelle.
Si le projet parvient à tenir ses promesses, il pourrait transformer le quotidien de millions d’habitants, renforcer la résilience face au climat et rétablir un minimum d’équité dans l’accès au sol urbain. Mais s’il échoue, il risque d’apparaître comme un énième programme piloté depuis l’extérieur, consommant des milliards sans changer fondamentalement la donne.
En réalité, ce prêt de la Banque mondiale constitue moins une manne qu’un test : celui de la capacité du Cameroun à aligner financement international, vision de développement et gouvernance locale efficace. L’avenir de ses deux plus grandes villes, déjà à la limite de la saturation, en dépend largement.
Auréole TCHOUMI