Le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) aborde l’échéance électorale d’octobre prochain dans un contexte inédit, à bien des égards. La récente démission tonitruante du ministre Issa Tchiroma Bakary, accompagnée de déclarations d’une rare virulence contre le régime de Yaoundé, a marqué un tournant symbolique. Elle a été suivie, quelques jours plus tard, par une autre secousse politique : l’annonce officielle de la candidature de Bello Bouba Maigari, figure emblématique du septentrion, à la magistrature suprême. Deux partenaires historiques du pouvoir, deux piliers d’un équilibre politique longtemps maîtrisé, s’éloignent ainsi du giron du RDPC, créant un vide stratégique dans des régions-clés du pays.
En 2018, Paul Biya réalisait une performance électorale écrasante dans le Grand Nord : 79,77 %, dans l’Adamaoua: 81,62 % dans le Nord et 89,21 % dans l’Extrême-Nord. Ces résultats, au-delà du socle traditionnel du parti, reposaient en partie sur une ingénieuse construction d’alliances politiques, où les figures locales apportaient un ancrage et une légitimité territoriale. Or, aujourd’hui, ces fondations vacillent.
Le RDPC est ainsi confronté à une nécessité impérieuse : se réinventer ou s’affaiblir. Car si l’architecture politique des trente dernières années s’est fondée sur la stabilité autour de la figure du Président national, elle ne suffit plus à garantir une adhésion automatique. Le mécontentement populaire gronde. Il s’exprime dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans les marchés, mais aussi dans l’abstention électorale croissante. Il vise non pas uniquement les oppositions, mais surtout une classe dirigeante jugée déconnectée, inefficace et, pour certains ministres, insensible aux réalités des Camerounais.
Le Président Paul Biya, qui a toujours rappelé l’exigence de résultats et de rigueur au sein de l’exécutif, semble conscient de cette érosion progressive de la confiance, si l’on se réfère à ses adresses à la Nation. Toutefois, ces appels à la responsabilité tardent à se traduire en actes concrets. Trop souvent, les choix opérés dans les nominations ou dans la gestion des dossiers nationaux apparaissent décalés par rapport aux attentes pressantes de la jeunesse, des agriculteurs, des enseignants, des commerçants, des personnels de santé…
Dans ce contexte, la capacité du RDPC à se renouveler ne relève plus du confort stratégique, mais d’un impératif de survie politique. Il ne s’agit pas seulement de rajeunir les visages, mais d’ouvrir les vannes d’un vrai débat interne, de favoriser l’émergence de nouveaux talents issus des réalités locales, et de replacer l’écoute des citoyens au cœur de l’action publique. Le parti doit réapprendre à convaincre, non par l’usage du passé glorieux, mais par une vision claire et des solutions crédibles aux défis contemporains.
En octobre, le RDPC se présentera devant l’histoire sans certains de ses plus fidèles compagnons. Ce ne sera pas une faiblesse si le parti fait le choix courageux de l’adaptation, de l’innovation, et surtout de la reconquête sincère du terrain. Il y a, dans chaque crise, une opportunité. Le temps est venu pour le RDPC de démontrer qu’au-delà des hommes, c’est une organisation capable d’évoluer avec son peuple. Le verdict des urnes, cette fois, ne sera pas un simple plébiscite. Il sera un test de lucidité.
Auréole TCHOUMI